Un édifice imposant
La construction de la basilique Saint-Nicolas de Saint-Nicolas-de-Port commence en 1481, à l’initiative de Réné II, duc de Lorraine et de Bar. Par cette construction, ce dernier voulait honorer la victoire contre le duc de Bourgogne, lors de la bataille de Nancy (14 janvier 1477) qui avait permis à la Lorraine de rester indépendante. De style gothique flamboyant, la basilique est un édifice imposant (30 mètres de haut sous la nef), dont la construction dura une soixantaine d’années. Gravement endommagée par un incendie au cours de la guerre de trente ans, précisément en 1635, puis bien plus tard par les bombardements de 1940, la basilique connut des périodes de restauration qui, non seulement, modifièrent son aspect d’origine mais firent disparaître certaines des œuvres d’art qu’elle abritait. Si aujourd’hui, la basilique a fait peau neuve, c’est grâce à la générosité d’une donatrice, Camille Croue-Friedman (1890-1980) qui, originaire de la ville mais résidant aux États-Unis, légua 7 millions de dollars à Saint-Nicolas-de-Port pour que celle-ci s’engage dans la restauration de la basilique. Par ce geste, Camille Croue-Friedman voulait remercier Saint Nicolas qu’elle avait prié lors d’un naufrage en Méditerranée auquel elle avait survécu.
Une multitude de témoignages écrits sur les murs
La présence de nombreux graffitis dans cet édifice témoigne de la multitude des passages en ce lieu de pèlerinage où l’on vient prier Saint-Nicolas dont une relique (une phalange) y serait conservée. Beaucoup de piliers portent des dates, des noms et prénoms qui, souvent, sont superposés, ou isolés… gravés dans des interstices de plusieurs piliers.
Mais quand les gravures sont lisibles, elles en disent un peu plus sur leurs auteurs dont le soin qu’ils prennent à graver la pierre montre déjà l’importance qu’ils accordent à ce geste. Parmi les quatre gravures qui précèdent (DERMANGE, LOUY.DROVIN, JEAN-FLORENTIN, JEAN-NOEL TOUSSAINT DELOGE DE SOLESMES), la quatrième précise le lieu d’où vient le visiteur (Solesmes, orthographié Solemes) dans le nord (probablement) et qui, en 1732 , se trouve à plus de 300 kilomètres de chez lui. Si l’on recherche ce nom, un certain Toussaint Deloge, laboureur (mais aussi connétable en 1770) est né en 1712 et décédé en 1790… Peut-être la gravure n’a-t-elle rien à voir avec ce Toussaint Deloge mais les graffitis ont ceci de particulier : ils intriguent car ils transmettent quelques lettres d’une personne. Trop peu pour remonter le fil d’une histoire. Trop pour la mettre totalement de côté !
De quand datent les graffitis de la Basilique ?
La temporalité des graffitis de ce lieu est différente de celle mise en évidence dans l’étude de Christian Montenat et Marie-Laure Guihot-Montenat (2006 : 174) sur les églises du Bassin parisien. Ainsi, pour ces chercheurs, les XVIe et XVIIe siècles sont prolifiques en matière de graffitis, le XVIIe siècle se caractérisant d’ailleurs par une plus grande intensité. Une temporalité « qui correspond à une période de « relance » des pratiques religieuses qui fit suite au Concile de Trente [13 décembre 1545 – 4 décembre 1563] ».
Dans la basilique, les dates inscrites correspondent plus généralement aux XVIIe siècle et, plus souvent, au XVIIIe siècle. L’église ayant connu une période de restauration après l’incendie de 1635, on peut faire l’hypothèse que les marques plus anciennes ont disparu. À moins que les graffitis plus anciens n’aient pas été datés. Une prudence s’impose dans l’interprétation…
Enfin, dans la Basilique Saint-Nicolas comme dans l’église Saint-Gorgon de Varangéville, très peu de signes ou symboles figurent. Tout au plus remarque-t-on une coquille Saint-Jacques à Saint-Nicolas, trace du chemin de Compostelle sur le tracé duquel la ville se trouve. Même remarque pour les objets qui ont été très peu représentés, hormis ce que pourrait être une signature de tailleur de pierre ou une faux…
la colonne vrillée de droite (croisée de transept) serait due au rattrapage d’une erreur d’alignement. Elle est située au croisement entre la nef et le choeur incliné de 6° à droite. On dit que cette inclinaison est d’origine aléatoire (présence d’une rue en contrebas). Or beaucoup d’églises gothiques ont cette caractéristique. Il s’agirait d’une obligation liée aux courants telluriques qui se croisent à la croisée. La colonne de transept droite est torsadée. En la cathédrale de Strasbourg, cette même colonne droite est fortement tellurique. Pourquoi avoir choisi de placer l’édifice de telle sorte que la colonne radiante soit à droite? Parce que classiquement, Anima est à gauche et Spiritus est à droite. Cette basilique est donc doublement animée, d’où sa forme coudée (brisée) et spiralée (tourmentée). Il en ressort une impression mystérieuse, comme surnaturelle. L’extrême élévation des formes augmente encore cette envolée. Une cathédrale envoûtante.
Merci beaucoup pour cette très intéressante précision. Merci aussi pour votre travail et la précision de vos descriptions…