Invader, l’art à l’ère du numérique

Marseille

Pourquoi écrire un nouvel article sur le phénomène Invader alors que, depuis quelques années, l’artiste est très présent dans la presse (papier et audiovisuelle, française et étrangère) ? Pour se convaincre de cette notoriété, on peut consulter l’abondante couverture presse qui accompagne l’ouverture d’une rétrospective, « Invader Space Station », à Paris, dans les anciens locaux du quotidien Libération (17 février-5 mai 2024) et qui confirme le statut de vedette de cet artiste.

 

Si cette forte médiatisation publicise le projet hors-norme d’Invader qui, comme beaucoup, a choisi la rue comme lieu d’expression en réaction à l’académisme des musées et galeries, elle dit également beaucoup du rapport intime et collectif que chacun et chacune entretient aux industries culturelles, journalistes et médiateurs et médiatrices culturels compris. L’esthétique des mosaïques de l’artiste touche en effet beaucoup de ceux et celles qui sont pétris de numérique et/ou qui ont joué à Space Invaders dès la fin des années soixante-dix sur borne d’arcade, sur console à partir de 1980, dont celle portable à partir de 1990, la Game Boy. L’artiste lui-même explique qu’il n’a pas grandi avec la télévision mais avec l’ordinateur et que son premier contact avec ce jeu s’est fait sur un ferry qui le conduisait en Angleterre. En se racontant, Invader raconte une époque et le rapport nostalgique à l’enfance de beaucoup. En cela déjà, il mérite qu’on s’y arrête.


À n’en pas douter, Invader existe donc aussi à travers le regard que portent sur lui des personnes qui partagent une expérience similaire des jeux vidéo (de leur histoire et de leur patrimonialisation) et, plus largement, du numérique et de ses usages, de l’art de rue, des réseaux sociaux, des collectifs de fans… Ainsi incarne-t-il une tendance artistique qui est totalement en prise avec une époque qui court sur plusieurs décennies, en même temps qu’il déploie à l’adresse des amateurs et amatrices de son art les codes et pratiques en usage dans le champ de la communication. En bref, si le numérique est au fondement de son identité artistique, il est aussi un des moteurs et moyens d’adhésion à son art.

En puisant aux racines d’un parcours ludique au temps du numérique et en le mettant en scène, l’artiste fait de cette expérience personnelle un objet qui traverse et rassemble plusieurs générations et ères culturelles. D’où un succès phénoménal, servi par une habile stratégie de communication qui s’appuie sur l’édition, les réseaux sociaux, mais aussi sur les médias traditionnels auxquels il accorde des interviews dans lesquels on lit ses inspirations intellectuelles, sa vision de l’art, ses envies. Parmi les très nombreux interviews qu’il a accordées, on peut notamment lire ceux publiés dans Le Monde (« Tombe le masque », 15/12/2017), dans L’Express (« Invader : son business, ses fans, la Lune… Les confidences de la star du street art », 01/02/2024) ou dans Le Parisien (« « 50 % des informations sur lui sont fausses » : qui est vraiment Invader, street artist et star secrète ? », 17/02/2024). On peut aussi écouter une émission diffusée sur France Culture le 3 février 2023 et intitulée « Invader : « Chaque mosaïque est une œuvre en même temps qu’elle est le fragment d’un méta-réseau planétaire » ». Et l’on peut fréquenter à l’envie ses pages Instagram ou celles de son site, toutes regorgeant d’informations.

 

Conserver une part de mystère

Comme c’est le cas d’autres artistes de rue, le visage d’Invader est inconnu du grand public. Le procédé protège des effets que la notoriété pourraient engendrer sur des actions qui restent illégales. Quand ce dernier assiste à un événement, il s’y rend donc masqué ou déguisé, entretenant de la sorte une aura mystérieuse autour de sa personne. Dans l’article du Monde cité, Jean Birnbaum explique que l’artiste est venu à l’entretien à visage découvert, « une fois n’est pas coutume, l’artiste est venu au rendez-vous sans porter aucun masque. À visage découvert, il laisse mieux discerner un aspect peu entrevu de son art : le sérieux du geste, et sa charge profondément mélancolique. »

Parallèlement à cet effacement, l’artiste ne fait pourtant pas mystère de quelques éléments biographiques. Mais il le fait en adoptant une stratégie judicieuse du dévoilement qui consiste à en dire assez pour titiller la curiosité, mais à ne surtout pas en dire trop pour ne pas risquer de l’émousser. Dans une livraison du magazine Beaux Arts annonçant la rétrospective parisienne de 2024, la journaliste Malika Bauwens écrit à ce sujet : « Devant les médias, il conserve un masque. Notre homme invisible est maître dans l’art de la discrétion. Il fuit ses propres vernissages, ou feint de ne pas y être, signant son passage d’un sticker collé au dos de votre portable, incognito. Joueur, il enfile des sneakers qui déposent à chaque pas des motifs de Space Invaders, mais ne laisse filer aucun indice sur son identité ».

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Invader ou Franck Slama est donc un artiste de rue français, né à Paris en 1969, « dans un milieu où on lisait peu de livres » (Le Monde, 15/12/2017). Formé à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (dans Le Monde, c’est l’école de Rouen qui est citée mais elle ne l’est pas dans les biographies de l’artiste qui sont publiées à l’occasion de ses expositions), il a commencé à s’intéresser à l’art urbain à la fin des années 90, aux côtés d’un artiste, Zevs, avec lequel il créé le groupe @nonymous.

Il est internationalement connu pour une activité artistique qui consiste à déposer des mosaïques – de préférence la nuit – dans des villes du monde entier mais aussi dans des sites plus inattendus (telle la Station spatiale internationale ou au fond de la mer à Cancun). Ses créations sont formées de pièces de carrelages qui composent des figures pixellisées s’inspirant du jeu Space Invaders. Elles ne délivrent pas de contenu politique si ce n’est qu’elles défendent l’idée de pouvoir exister dans des lieux publics sans que l’artiste en ait demandé l’autorisation.

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Leur pose n’est pas sans risque, ou bien parce qu’elles sont collées dans des endroits difficiles d’accès ou bien parce qu’elles sont encombrantes (certaines peuvent peser 40 kgs) et délicates à manipuler. Dans tous les cas, la pose du carrelage nécessite d’emporter de l’enduit. Ce qui suppose de faire des repérages et d’anticiper ainsi la présence ou non des forces de l’ordre ou d’autres personnes potentiellement réfractaires. Plusieurs fois, l’artiste a été arrêté (Los Angeles en avril 2011, en octobre 2013 à New York, décembre 2015 à New York…) et il a dû s’acquitter d’une amende. Même s’ils ne sont pas au centre de la narration, ces risques sont filmés dans le film réalisé par Banksy, Exit Through The Gift Shop (Faites le mur, 2010) qui fut présenté au Festival de Cannes en 2010. Dans une scène, Invader et son équipe sont interrompus par des policiers américains qui leur intiment l’ordre de cesser leur action.

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Inspirations et récit de soi

Dans Le Parisien (17/02/2024), Yves Jaeglé raconte : « « L’invasion », après un premier essai en banlieue deux ans plus tôt, commence le 15 janvier 1998, avec un petit bonhomme bleu turquoise et deux carreaux rouges en forme d’yeux, pixélisé, au 4ter passage de la Main-d’Or, dans l’Est parisien, terroir et territoire favori de l’artiste, qui y réside. Il pose 147 mosaïques sur les murs de la capitale cette année-là. Invasion massive. Ce qui dénote une grande préparation pour un artiste inconnu. » Dans ces créations et toutes celles qui suivront, Invader prend à la lettre la thématique de ce jeu fétiche dont il s’inspire en « envahissant » les espaces urbains. Selon les lieux, les thèmes de ses pièces – qui sont toutes originales – vont du cinéma, des dessins animés, de la BD (Star Wars, La Panthère rose, Les Tortues Ninja, les Schtroumpfs), à l’univers des comics (Spider Man) ou des jeux vidéo (Mega Man, Mario Bros, Pac Man…), en passant par des pratiques culturelles de tous ordres (littéraires, culinaires, sportives…) et des références à de grandes personnalités (dont William Burroughs, Charlot, Marylin Monroe et bien d’autres !).

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En même temps qu’il rend hommage à une personnalité, une idée, un personnage de fiction, une rue, un site, une ville, un bâtiment… ou qu’il adresse un clin d’œil à ceux et celles qui recherchent et découvrent ses œuvres, Invader se raconte lui-même. Il confie ceci à Jean Birnbaum en 2017 dans Le Monde : « Oui, c’est vrai, chaque pièce prend la suite de la précédente, confie-t-il, et cette suite d’installations, finalement, raconte une histoire de plus en plus personnelle, celle d’un artiste qui écrit dans la ville et qui maltraite son corps à travers cette écriture, parce que je me suis fait mal, à plusieurs reprises, la nuit, dans ces villes dont j’ignorais tout en y débarquant »…

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Et si ce récit personnel transparaît dans les créations elles-mêmes, il figure aussi dans les lieux où elles siègent. Ceux-ci témoignent des interactions qui nourrissent l’artiste, dressant de la sorte une carte géographique culturellement située. Certes, on trouve des mosaïques sur les cinq continents – il y en aurait 100 en Afrique et 405 en Asie (Japon, Hong Kong, Bhoutan, Népal), – mais quand on consulte les cartes des envahissements, la France sort première du palmarès avec Paris et la banlieue comme sites privilégiés. La 1 500e a justement été déposée sur l’un des tuyaux d’air conditionné du Centre Pompidou, au cœur d’un quartier dans lequel l’artiste est d’ailleurs particulièrement présent. L’artiste en poste l’annonce le 16 février 2024 sur Instagram. Elle est largement commentée aussi dans les articles des presses généraliste ou spécialisée qui annoncent dans le même temps l’exposition parisienne.

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À noter que c’est la ville de New York qui arrive en 2e place puis Los Angeles, mais avec des chiffres nettement moins élevés (219 et 214). Dans ses entretiens, Invader explique qu’à chaque fois qu’il est invité, il en profite pour déposer une série de créations. Contrairement à cet envahissement planétaire que promeut la communication de l’artiste, on peut lire en filigranes des installations, les relations qui se sont tissées entre Invader et des acteurs et actrices internationaux des mondes de l’art et de la culture. Hormis des installations dans d’autres parties du globe, c’est le monde occidental qui est le plus largement représenté, avec un nombre plus important d’occurrences dans les pays européens et les États-Unis. Et si l’on ajoute qu’Invader travaille avec une galerie – Over the Influence – basée à Paris, Los Angeles, Hong Kong, Bangkok, on peut comprendre pourquoi ses créations se trouvent notamment dans ces villes.

Si l’on resserre encore plus la focale, l’artiste est prioritairement présent dans les villes françaises, avec un nombre variable d’installations. C’est précisément parce qu’il considérait qu’Invader était insuffisamment présent à Marseille qu’Ora-ïto – designer et fondateur du MaMo, un centre d’art créé dans l’ancien gymnase situé sur la terrasse de l’immeuble du Corbusier – l’a encouragé à se rendre dans cette ville. En 2020, l’artiste y a installé plus de 80 mosaïques. Dans l’article que signe Stéphanie Aubert dans Libération (24/08/2020), Invader explique : « Ça fait vingt ans que je pense à Marseille. Je l’avais envahie déjà en 2004 et 2014. Mais très peu. Là, l’occasion s’est présentée avec l’invitation d’Ora-ïto. On en parlait ensemble depuis longtemps. » L’exposition qu’il propose déborde totalement du MaMo ainsi que de la Cité radieuse pour toucher toute la ville. Dans ce choix d’élargissement spatial de l’exposition, on perçoit une forme d’indépendance mais aussi le goût du jeu et de la complicité avec les fans qui pistent les mosaïques.

Marseille

Forcément, l’opération s’est avérée payante, probablement pour l’artiste en termes de reconnaissance, mais aussi pour la ville qui, dès le mois de septembre 2020, communique sur cette présence dans les documents touristiques, et qui, depuis, en fait un des éléments de son attractivité. À voir aussi les superbes images de l’artiste sur son site.

Dans un article de Beaux Arts (23/02/2024) intitulé « Pourquoi Invader est un artiste majeur de la scène mondiale ? », Fabrice Bousteau – directeur de la rédaction livre une série impressionnante de chiffres sur l’étendue du travail de l’artiste et son audience : 32 pays, 180 villes, 4 000 mosaïques déposées dans le monde entier dont 1 500 dans la seule ville de Paris qui équivalent à 500 m2 de murs couverts. Comme l’expose le site Artsper, l’une de ses œuvres, Rubik Mona Lisa, « composée avec 330 Rubik’s Cubes, a été achetée à Paris au prix de 480 200 euros lors d’une vente dédiée à l’art urbain ». En 2020, Artsper faisait d’ailleurs de cet événement l’un des dix faits marquants de cette année sur le marché de l’art ! Un an plus tard, c’est un portrait du Dalaï-Lama qui est vendu 550 000 dollars chez Artcurial. L’artiste propose lui-même la vente d’alias de ses créations qui atteignent des milliers d’euros sur le marché de l’art (entre 100 000 et 500 000 euros). Ce qu’Invader explique à ce sujet sur France Culture informe sur la capacité de l’artiste à relier tous les fils de ses œuvres et modes d’expression. Rappelant ce qu’est un alias en informatique – un raccourci qui permet de retrouver des fichiers – il présente la transposition qu’il en fait dans les créations mises en vente. Conformes à l’original, les alias comportent des informations précises sur son emplacement. Ni identiques, ni différentes, ces alias sont eux aussi une création unique, comme l’est l’original. Ce qui pourrait justifier leur prix de vente.

Cette inflation est néanmoins étonnante quand on considère qu’elle touche les œuvres d’un artiste qui continue à exposer ses mosaïques dans la rue. Mais justement, Invader, comme deux artistes de sa génération – Shepard et Banksy -, se positionne sur des terrains dont la conciliation n’est pas des plus évidente. Tout en prônant que la rue est un lieu de démocratisation, l’artiste s’impose sur le marché de l’art et s’expose dans des lieux prestigieux dont nous ne retenons ici que quelques-uns des plus récents :

Outre ces manifestations au cours desquelles l’artiste rend institutionnellement visible son travail, il mène une activité éditoriale qui associe « jeu de piste » et dimension artistique. Beaucoup des livres de cette catégorie sont d’ailleurs épuisés : ils rendent par exemple compte des installations dans une ville (Rome, Miami, Marseille…) ou de la tenue d’expositions (Londres, New York…). Là encore, comme c’est le cas des œuvres vendues sur le marché de l’art, plusieurs sont hors d’atteinte pour un passionné lambda.

Et quand bien même des livres sont-ils plus abordables tels l’ouvrage paru en début d’année 2024 qui collecte 10 années de publication Instagram, il place l’artiste au cœur d’une stratégie économique qui, à l’instar de la dimension créative, fait alterner élitisme et ouverture, les deux composant les deux faces d’un système bien pensé.

 

Dans un entretien publié dans Libération (Stéphanie Aubert, « Banksy : la rue de la fortune », 16/10/2018), l’artiste explique son rapport au marché tout en paraissant s’inquiéter de l’emballement de celui-ci : « Pour ma part, c’est le marché qui a financé tous mes voyages et le travail urbain que j’ai pu accomplir depuis vingt ans. C’est le rêve de tout artiste de vivre de son art. Je préfère cela plutôt que de collaborer avec des marques car j’aurais alors l’impression de flouer mon public. Ceci dit, il est vrai qu’aujourd’hui le marché s’emballe. C’est assez déstabilisant. Je trouve que Banksy a gardé la tête froide par rapport à cela car beaucoup d’artistes auraient abusé de son côté bankable, idem pour Shepard qui continue de produire un art démocratique et accessible. En tout cas, nous continuons tous trois à travailler activement dans les rues. » 4 ans après cet entretien, en 2022, Invader signe pourtant une collection avec Rei Kawakubo, le créateur de la marque japonaise de vêtements Comme des garçons…

 

Des fans fidèles et volontaires

Si Invader mêle avec habileté différents modèles économiques et artistiques, il fait également preuve de créativité dans sa gestion des outils numériques. On l’a dit : le numérique est à la fois une source de son inspiration et un moteur. Précisément sur ce plan, on peut ajouter qu’Invader s’est montré particulièrement innovant. En 2014 (deux ans avant la création de Pokemon Go), l’artiste a mis en ligne une application, FlashInvaders, qui cumule 23 millions de flashs de ses créations dans tous les lieux où elles sont installées. Munie d’un GPS, l’application affecte aux joueurs des points qui varient selon le lieu de la saisie. Les gagnants de cette course enregistrent plus de 3 400 prises. Ce qui signifie qu’ils parcourent de nombreux sites à la recherche des mosaïques. C’est d’ailleurs ce que raconte Nicolas Kéramidas dans le roman graphique Chasseur d’Invader. Comment des mosaïques ont changé ma vision du monde où il explique que la chasse aux trésors à laquelle il participe lui permet des découvertes ou redécouvertes de lieux, mais aussi beaucoup de rencontres avec des personnes partageant la même passion.

Avec cette application, Invader a lui-même apporté à ses fans un cadre structurant qui stimule et fidélise leur attachement. Si aucune rétribution ne vient féliciter le ou les gagnants, l’émulation que génère l’application en enregistrant en temps réel tous les nouveaux flashs est une incitation à poursuivre en même temps qu’un fil qui relie les aficionados. Impressionnant est d’ailleurs le défilement des photographies prises à chaque seconde dans un lieu ou un autre.


Dans un article du Parisien (Yves Jaeglé, 17/02/2024), on découvre l’histoire d’un fan qui raconte sûrement aussi celle de beaucoup d‘autres : « Olivier 92, un pseudo, 56 ans, est un ancien policier, assistant d’un homme d’affaires dont les voyages professionnels lui permettent de « scorer » un peu partout, est 19e au classement, après avoir trusté la première place. Il fait partie de ceux qui font le tour du monde grâce ou pour Invader. Avec quatre amis fans, il est allé jusqu’à Potosi, en Bolivie, pour flasher la 4 000e céramique déposée par son héros le 31 décembre 2021… à 4 000 m d’altitude. « On avait posé douze jours pour visiter le pays. Avec Invader, il y a l’aspect street art, mais c’est aussi une chasse au trésor, et de beaux voyages. Il s’inspire du local, de la ville, du pays, en Asie ou en Tunisie. Ses images restent en nous », explique Olivier. A-t-il déjà aperçu la star ? Motus. Invader aime à rencontrer ses supporters les plus assidus, mais ceux-ci ne doivent pas en parler. « Certains sont tombés sur lui en plein travail, le matin. Il posait ses pièces la nuit et revenait les photographier à la lumière du jour. Maintenant, il a un photographe, il sait qu’il est trop facile à repérer sinon. » De nombreux « ambassadeurs » de l’artiste, comme ils s’appellent parfois, quand ils ne sont pas « réactivateurs », chargés avec son approbation de restaurer ses pièces endommagées, sont au courant de ses moindres faits et gestes ».

Paris, 75002
Mosaïque endommagée, Paris, 75002
Mosaïque endommagée, Paris, 75002
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Effectivement, ces réactivateurs, fans d’Invader, peuvent aller plus loin dans leur engagement que la quête suscitée par la curiosité et l’attachement. Ces personnes complètent, voire recréent entièrement les mosaïques endommagées afin de les faire perdurer ou bien renaître dans des lieux d’où elles avaient disparu, parfois parce qu’elles ont été vandalisées. Car les mosaïques peuvent aussi susciter la convoitise. Le 15 décembre 2023 comparaissaient à Paris trois personnes suspectées d’avoir volé pour 600 000 euros de mosaïques en 2017. Déguisés en agents municipaux, les accusés décollaient des créations d’Invader, posant sur le plan juridique la question complexe du vol de street art, lui-même illicite. Dans ce jugement, la Mairie a porté plainte pour usurpation d’identité, permettant ainsi au législateur de ne pas avoir à trancher sur une question compliquée.

En bref,

Invader, c’est l’histoire d’un artiste dont l’inspiration s’est nourrie d’une culture numérique qu’il a su explorer et exploiter pour former autour de lui un collectif de fans attirés par la dimension ludique de cette pratique artistique et de sa valorisation. Invader, c’est donc aussi l’histoire de ceux et celles qui le suivent avec gourmandise. Si l’invasion est au fondement du projet d’Invader, elle ne pourrait perdurer sans l’adhésion de ceux et celles qui collaborent en suivant les traces que l’artiste dépose ici et là. Pas de grand discours dans cette quête mais une promesse de plaisir et de partage qui, indéniablement, renvoie à la pratique ludique originelle. Elle perdurera tant que les professionnels de l’art et de la culture et surtout tous les publics de l’artiste continueront cette partie toujours en cours et qui a commencé vers la fin des années 90…

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