Marseille en street art

Les graffitis qui couvrent les murs de plusieurs quartiers de Marseille sont non seulement d’une grande diversité mais ils contribuent aussi à l’attractivité de la ville. Les autorités publiques l’ont bien compris, elles qui ont  encouragé des artistes en finançant la création de fresques sur des façades de commerces, restaurants, salles de spectacles ou galeries à proximité du Cours Julien ou du Panier. Une politique qui a eu pour effet de générer une demande touristique à laquelle répondent notamment les visites organisées par l’Office de tourisme. On se déplace donc à Marseille aussi pour apprécier l’art de graffeurs – français ou étrangers – qui se sont faits un nom, sur place ou ailleurs.

Le Cours Julien et les rues adjacentes

Murs et façades de commerces, escaliers, portes, tout est coloré dans ce quartier qui, depuis les années 80, est un lieu de prédilection pour les graffeurs. A cette expérience et occupation des lieux, se sont ajoutées des initiatives institutionnelles qui ont contribué à légitimer cette démarche artistique. La première date de 2014, quand « la Fédération Marseille Centre [s’associe] aux Commerces de la Butte afin de lancer la première édition du Street Art Festival« . Depuis, en juillet, un festival se déroule en ce quartier. La seconde date de 2018, quand le Conseil départemental s’est attaché à financer « à hauteur de 40 000 € la réalisation par une trentaine de graffeurs du collectif Massilia Graffiti de l’embellissement de 200 façades, rideaux métalliques et parkings souterrains du quartier« . De ce mélange entre expériences d’artistes et commandes institutionnelles et commerciales s’est constitué un espace foisonnant et original qui ne cesse de se transformer et qui mérite le détour.

Aux thèmes humoristiques et/ou tirés de la culture contemporaine, s’ajoutent des motifs engagés dont ceux défendus par l’artiste Mahn Kloix (voir son site : https://www.mahn.fr/) qui, dans une fresque de la rue Pastoret, rend hommage à Cédric Herrou, un agriculteur poursuivi par la justice française pour avoir fait passer des migrants à la frontière franco-italienne*. Un hommage en phase avec ce qu’il confiait à artistikrezo.com le 19 mai 2020 :  » Je raconte des histoires de gens qui se battent pour leurs rêves ».

 

*Après que Cédric Herrou ait été relaxé le 13 mai 2020 par la Cour d’appel de Lyon, le parquet s’est pourvu contre cette décision le 28 mai 2020.

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Le Panier

Apprécié des touristes qui, pour certains d’entre eux, le visitent en petit train, le Panier est le plus ancien quartier de Marseille. Situé en hauteur, faisant face à la mer, il est sillonné de ruelles étroites, de places pittoresques et d’escaliers en pente raide qui conduisent au port.

Loin de l’image lisse qu’en donne la série télévisée Plus belle la vie, le quartier a connu des transformations. Si celles-ci ont eu pour effet de l’embourgeoiser en partie – il abrite des galeries d’art et des ateliers d’artistes -, il possède toujours des logements insalubres, tels ceux de la rue d’Aubagne qui se sont effondrés en novembre 2018 et dont la réhabilitation en 2020 était loin d’être achevée.

Dans ce quartier aussi, les artistes du street art ont élu domicile. Tags, graffitis, fresques et céramiques courent sur les murs. S’ils ne font pas nécessairement l’unanimité – des résidents se plaignent par exemple d’avoir dû refaire leurs façades avant de les voir « repeintes » par les graffeurs -, ils donnent au lieu une allure undreground qui inspire les organisateurs de visites guidées… D’ailleurs, c’est un artiste du street art local, Asha alias Gamo, qui fait office de guide dans le quartier.

(voir : https://www.facebook.com/Street-Art-Tour-Marseille-le-Panier-1440707112908164/)

Sur les murs du Panier comme en d’autres sites de la ville, on repère des signatures de graffeurs connus. C’est le cas de l’artiste brésilien Nhobi (voir : https://www.tourisme-marseille.com/fiche/graffs-de-la-place-pere-pierre-saisse-nhobi-gamo-marseille/) dont les personnages souriants ou grimaçants égaient les rues… Les yeux globuleux et les dents arrondies de ceux-ci surprennent et amusent tout à la fois. Arrivé à Marseille en 2001 avec ce prototype de personnage qu’il a inventé en 1996, Nhobi s’est installé dans la ville et y a fait fructifier un genre particulier. Ses oeuvres ainsi que celles de l’artiste avec lequel il signe certaines de ses productions, Seek 313, sont exposées dans la galerie Undartground.

C’est le cas aussi de l’artiste Arnaud aka ASHA – ou Gamo – qui fait visiter le quartier aux personnes intéressées par le street art et dont plusieurs fresques figurent sur les murs.

Mais au Panier comme ailleurs, le domaine du street art n’est pas un monde tranquille. En témoigne cette fresque de Seek 313 et Nhobi mettant en scène un pécheur qui porte les traits physiques caractéristiques des personnages de Nhobi. Aujourd’hui, pour voir la fresque telle qu’elle était à l’origine, il faut se rendre à la boutique Undartground (21, rue des Repenties) où elle est encadrée.

Résultat d’images pour L’oeuvre de Seek 313 et Nhobi

En effet, taguée au début de l’année 2019, la représentation d’un pêcheur et de ses poissons a été remplacée par celle d’un personnage arborant des journaux. Un épisode probablement à corréler avec les tensions qui agitent le milieu du street art au sujet de la pérennisation d’une démarche artistique sensée viser la mise à distance de formes trop prégnantes d’institutionnalisation.

La Friche Belle de Mai

Aujourd’hui lieu de culture, la Friche belle de Mai était une manufacture des tabacs qui, au XIXe siècle, était pourvoyeuse de nombreux emplois à Marseille. Spécialisée dans le tabac brun dans les années 50, la manufacture a vu progressivement la demande décroître, conduisant l’entreprise (qui faisait partie de la Seita) à réduire le nombre d’emplois : « Au début des années 60, elle produit environ 1/5e des Gauloises alors consommées en France. Mais la mode est au tabac blond, de 1000 salariés en 1960, l’usine passe à un effectif de 250 en 1988, deux ans avant sa fermeture définitive« .

Longeant la voie ferrée, le lieu « surplombe le quartier populaire de la Belle de Mai« . Si le projet d’en faire un lieu culturel date de 1992, il a bénéficié de l’impulsion offerte par le programme Marseille-Provence 2013 capitale de la culture. Aujourd’hui : « Avec près de 350 000 visiteurs par an, la Friche Belle de Mai est un espace public multiple de 100 000 m² de surface. Elle est ouverte à tous, tous les jours, toute l’année, on peut venir y voir une exposition, y déjeuner, s’y promener ou faire du sport, voir un concert, une pièce de théâtre, participer à un atelier avec ses enfants ou profiter du cinéma l’été sur son toit-terrasse !« .

Lieu de création, la Friche accueille  des artistes qui y travaillent au quotidien. Il diffuse à un public élargi par le biais d’ateliers, d’expositions, de festivals… Fresques, collages, tags, pochoirs, affiches donnent au lieu un air de « joyeux bazar » que confirment des visiteurs de tous âges et activités qui se rendent aux concerts ou expositions, visitent les lieux, s’exercent sur la piste de skate ou le terrain de basket, flânent dans les jardins partagés ou sur la terrasse.

Entre autres artistes, on y retrouve aussi ceux vus sur les autres sites de Marseille tels Baze (auteur de l’homme barbu aux yeux verts dont le portrait longe la voie ferrée), Stéphane Mosacato, Nash, Mahn Kloix…

Surtout, la Friche est le lieu d’expressions multiples qui, évidemment, ne cessent de se renouveler…

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