Des faits…

De nombreuses recherches sur les graffitis

 

Quelle que soit l’époque où ils ont été tracés, les graffitis sont un moyen d’expression qui a pour particularité de figurer sur des murs, parois et supports non prévus à cet effet. Au-delà de cette définition, ils se présentent sous la forme de mots, phrases, noms, symboles ou dessins et utilisent des techniques diverses. Leur visée peut être politique, artistique, ornementale, amoureuse, amicale, ludique, informative…

Des études portant sur des séries de graffitis traitent par exemple de situations extrêmes où des hommes ont marqué de leur passage les parois d’une prison, d’un camp, d’une forteresse, d’une tour, d’un clocher, de tranchées[1]… Que dans ces situations, les inscriptions aient accompagné les auteurs tout au long d’une attente angoissante (des séries de dates par exemple), ou qu’elles aient été libellées sous la forme de messages adressés à des inconnus ou à des proches, elles évoquent la relation qu’une personne voire plusieurs a ou ont entretenu avec des faits tragiques.

D’autres études traitent de la dimension politique[2] ou artistique[3] des graffitis. Auquel cas, elles posent les bases et conditions des affranchissements académiques et/ou spatiaux dont ils sont susceptibles d’être le résultat. D’ailleurs, de nombreux ouvrages retracent l’histoire de graffitis considérés comme un art, en portant l’attention sur la dimension esthétique autant que sur les motivations individuelles et sociales qui les animent[4]. 

Évidemment, ce ne sont là que quelques exemples d’un ensemble de références qui confirment l’intérêt social pour cette forme d’expression. En ressort aussi le constat selon lequel les gestes d’exposition de soi sont divers qui peuvent être, selon les cas, des « graffitis », du « Street art », des « graffs » ou des « tags » (signatures), en même temps qu’ils sont reliés par un fil conducteur qui fait d’un lieu public un support d’expression.


Un enchaînement quasi-continu de générations d’hommes et de femmes

Les 51 arcades du pont de Tonnay-Charente ont servi de support d’expression à un enchaînement quasi continu de générations d’hommes et de femmes qui ont déambulé en ce lieu. Les prénoms font écho aux époques traversées : Ernest, Héloïse, Joséphine… ont précédé dans le temps Élodie, Teddy, Paulo, Jackie, Gisèle, Emilie…

Mais les consonances des prénoms gravés sont elles aussi plurielles, particulièrement quand la ville de Tonnay-Charente a été occupée par les Allemands et que des personnes portant les prénoms Arno, Fritz – ou d’autres – ont elles aussi marqué leur présence sous le pont. 

Les écritures se mêlent et se répondent parfois

Hormis la période de l’Occupation où les graffitis ont été gravés sur les arcades les plus proches de la rive, ceux des autres périodes – du plus ancien identifié aux plus récents – se retrouvent à part égale dans toutes les parties du pont. Sur un même pilier, on peut ainsi retrouver des graffitis des XIXe, XXe ou XXIe siècles. Les écritures se mêlent sans forcément se répondre, des hommes et femmes ayant juste accompli le même geste au même endroit, à des années, voire des décennies, d’écart. 

Pour autant, quand bien même l’expérience semble similaire, le sens de celle-ci peut différer d’une période à une autre. Tel est l’un des intérêts majeurs que représente le fait de suivre trois siècles d’écritures. À travers elles, on peut lire la façon dont se noue et se dénoue ce qui a trait, par exemple, aux filiations familiales, amoureuses, amicales, voire professionnelles, en même temps qu’au contexte social dans lequel celles-ci prennent place. 

Références

 

[1] Parmi les ouvrages traitant de graffitis, on peut lire : Borwicz M., 1954, Écrits des condamnés à mort sous l’Occupation nazie (1939-1945), Paris, Gallimard, 1996 ; Bucherie L., 1999, Murmures de la Tour, Les Graffiti de la Tour de Crest, Grâne, Créaphis ; criminocorpus. URL : https://criminocorpus.org/fr/expositions/art-et-justice/murs-rebelles/ ; Curdy M., 2012, « L’étude préalable et la conservation – restauration des graffitis des internés au camp de Drancy  », CeROArt [En ligne], 2. URL : http://ceroart.revues.org/2598 ; Vimont J.-Cl., 1998, « Les graffiti de la colonie pénitentiaire des Douaires », Histoire et archives, 2, p. 139-155 ; Vimont J.-Cl., 2008, « Graffiti en péril ? », Sociétés & Représentations, 1, p. 193-202.

[2] Fraenkel B., 2007, « Actes d’écriture : quand écrire c’est faire », Langage et société, 3, n°121-122, p. 101-112.

[3] Guinchard C., 2014, Inscrire son nom à Rome (XVIe-XIXe siècle), Paris, Éd. Le Seuil ; Heinich N., Shapiro R., dirs, 2012, De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, Éd. École de hautes études en sciences sociales ; Ziebinska-Lewandowska K., 2016, Brassaï – Graffiti. Le langage du mur, Paris, Éd. du Centre Pompidou/Ed. X. Barral.

[4] Danysz M., 2015, Anthologie du Street art, Paris, Éd. Alternatives ; Lemoine S., 2012, L’Art urbain : du graffiti au Street art, Paris, Gallimard ; Lemoine S., 2015, Les Murs révoltés: Quand le Street art parle social et politique, Paris, Éd. Alternatives.

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