Street art au Château de Belcastel

Vue d'ensemble : château de Belcastel

Niché dans un écrin de verdure, Belcastel – Bèl Castèl (beau château) en occitan – est un village médiéval de l’Aveyron qui bénéficie du label « Les plus beaux villages de France ». On y accède par une route pittoresque qui serpente dans les bois. Doté d’un riche patrimoine, ce village de pierres et de lauzes offre à la visite de très belles constructions parfaitement rénovées.

Des constructions du XVe siècle

Au milieu du village, un pont de pierre enjambe la rivière l’Aveyron et permet de rejoindre l’Église Sainte-Madeleine. Voulu au XVe siècle par le seigneur du village, il est assez large pour qu’une voiture de taille raisonnable puisse aujourd’hui l’emprunter.

 

Construite à la même époque à l’initiative d’Alzias de Saunhac, l’Église Sainte-Madeleine renferme le gisant de ce dernier et plusieurs blasons de la famille.

 

C’est à ce même seigneur que l’on doit l’aménagement du château de Belcastel qui fut donné à son père, Guillaume de Saunhac, « en remerciements des services rendus dans la lutte contre les occupants durant la guerre de cent ans ». On raconte qu’une dame blanche hanterait toujours ses murs… Il s’agirait de la femme du seigneur, Cécile, qui aurait été jetée par la fenêtre par son mari après qu’il l’ait découverte dans le lit conjugal avec son amant. Depuis, à l’approche de la nuit, elle s’adresserait aux hommes séjournant dans les lieux en prononçant leurs noms…

La réhabilitation du château par l’architecte Fernand Pouillon

 

Laissé à l’abandon à partir du XVIIIe siècle, ce château (dont les fondations pourraient remonter au IXe siècle) fut réhabilité – ainsi qu’une grande partie du village – dans les années 1970-1980 par l’architecte Fernand Pouillon (1912-1986) qui y passa les dernières années de sa vie. Dans une série consacrée à l’aménagement du futur, France Culture évoque la carrière contrastée de cet architecte qui fut condamné à 3 ans de prison dans les années 1960 dans le cadre d’une affaire immobilière (voir à ce sujet un article du Monde paru en 2006).

Pour autant, cette personnalité pleine de ressources déclarait placer « l’œuvre architecturale au service de l’homme, de l’esprit social et de l’économie ». Sur le site de l’émission que lui consacre France Culture, on peut lire ce commentaire tout en nuances  : « L’extraordinaire vie de Fernand Pouillon, tour à tour qualifié d’escroc et de génie, escamote toute la gravité de ce qui, somme toute, est un rendez-vous manqué. » Car si Fernand Pouillon est à l’origine de plusieurs ensembles de logements dont à Marseille (La Tourette, 1948), à Aix-en Provence (1951-1953), à Pantin ou à Boulogne-Billancourt, il fut aussi un architecte très prisé en Algérie ou en Iran où il construisit par exemple des gares et villes militaires.

 

Mais Fernand Pouillon fut aussi le « sauveur » du château de Belcastel et du village que celui-ci domine depuis le piton rocheux sur lequel il est érigé. C’est en 1974 que l’architecte arrive sur les lieux alors qu’il recherchait un coin de pêche. Le château est alors en ruines et le village à l’abandon…

Pendant de nombreuses années, Fernand Pouillon mit son talent au service de ce site qui fait aujourd’hui parti des plus beaux endroits à visiter en Aveyron. Une exposition lui fut d’ailleurs consacrée en 2020, justement dans cette forteresse qui fut son dernier chantier.

Vue depuis le Château sur la campagne environnante
Vue depuis le Château sur le village

Depuis 2005...

Depuis 2005, le château appartient à Heidi Leigh (acquis initialement avec son mari, Nicholas Leone), une galeriste new-yorkaise qui en fit un lieu d’exposition pour l’art contemporain. En même temps que des armures, du mobilier, de vieux objets, les salles et les extérieurs du château abritent de nombreuses œuvres contemporaines qui trouvent sans problème leur place dans ce site médiéval.

Chaque année, des expositions y sont organisées : elles donnent un bel aperçu des tendances actuelles, les artistes d’horizons divers pouvant y déployer leur créativité dans des espaces dédiés. En 2021, l’exposition qui y est organisée s’intitule Legend. Elle réunit « sept artistes contemporains de renommée internationale » qui ont travaillé sur place « sous le regard des visiteurs ».

Impressionnantes, des œuvres du Street art sont accrochées sur l’une ou l’autre paroi de grès de l’édifice. On peut voir deux d’entre elles de loin, avant même d’avoir commencé à gravir les marches qui conduisent au piton rocheux. C’est le cas du portrait peint par Case Maclaim (né en Allemagne en 1979), « Our Insides Showing » (Nos intérieurs se montrent), qui trône sur le donjon et que l’on voit depuis la vallée.

 

Sur le site de l’exposition, on peut lire ce commentaire sur le choix du donjon et de cet œil maintenu ouvert par une main : « Historiquement, les châteaux médiévaux étaient toujours stratégiquement situés dans un endroit offrant une vue imprenable sur le paysage environnant. Tout ce qui les entourait était surveillé, dans le but de protéger les gens et le village en dessous, et pour survivre ! Cependant, dans notre monde contemporain, nous nous sommes habitués à toutes sortes de caméras, et pourquoi tant d’entre nous ont-ils l’impression que « Big Brother » envahit leur vie privée ? L’artiste suggère que l’objectif des observateurs d’aujourd’hui le met mal à l’aise… ». Engagée, l’œuvre prend position sur la société contemporaine et ses moyens de surveillance.

Case Maclaim est également l’auteur d’une fresque accrochée dans le jardin suspendu et qui s’inspire d’une tapisserie trouvée dans le château pour créer une scène onirique associant un personnage et une licorne.

 

Sur une paroi de la forteresse faisant face au village, s’étire une fresque également visible de loin. D’une superficie de 10 x 6 mètres, elle évoque l’errance de la Dame blanche. Deux artistes allemands en sont les auteurs, Hera (née à Francfort en 1981) et Akut (né à Schmalkalden en 1977), qui travaillent sous le nom Herakut.

Au-dessus des douves, un duo d’artiste, Inti Castro (né en 1982 au Chili) et Alexis Diaz  (né en 1982 à Porto-Rico) s’est inspiré de l’histoire de Marie-Madeleine pour peindre un portrait de femme proche de celui qu’ils avaient réalisé à Sao Paulo en 2015 (La Madone de São Paulo). Vie et mort sont figurées ensemble ; une moitié du corps représente la vie tandis que l’autre (un squelette) évoque la mort.

 

Et c’est à un artiste polonais, BEZT (né en 1987 et souvent associé à l’artiste Sainer), que l’on doit un immense tableau – The last Meal (Le dernier repas) – installé dans la cour centrale. Cette nature morte associant des mets à des objets tombés évoque la scène – non visible néanmoins – d’un moment de violence qui a pu précéder l’image captée. Et si une fourchette est posée dans l’assiette, une question se pose : qu’est devenu le couteau censé l’accompagner ?

 

Dans la cour principale aussi, trône une très belle œuvre qui fait référence à cet enfant sauvage trouvé dans le Tarn en 1797. Après qu’il se soit enfui quelques temps plus tard, l’enfant est finalement retrouvé dans l’Aveyron en 1800. Alors âgé de 12 ans environ, il décèdera à Paris en 1828. Il n’avait qu’une quarantaine d’années.

L’artiste, Marco Mazzoni (né en Italie en 1982), a dessiné un portrait serti d’ailes de papillons qui compose la chevelure ou les vêtements. On y reconnaît le goût de l’artiste pour les compositions associant les traits humains à des motifs animaux ou floraux…

 

Enfin, dans la galerie de la prison, on peut admirer les créatures savamment tourmentées de BOM K. (né en 1973 à proximité de Paris). Leur composition complexe et extrêmement riche est valorisée par ce lieu d’enfermement, matières et ambiance étant en accord avec la thématique et l’esthétique des productions.

Des lithographaphies de BOM K. exposées dans l'une des galeries

 

En s’appropriant les histoires ou légendes du Château de Belcastel, les artistes du Street art de cette cuvée 2021 ont conçu un travail formidable dans lequel ils ont su s’adapter au cadre et contexte de ce site médiéval tout en approfondissant leur propre démarche stylistique et formelle. Le résultat est de plus bel effet, comme l’étaient les éditions des années précédentes. Décidément, le Street art ne cesse de surprendre ; le Château de Belcastel en est un exemple parmi de nombreux autres.

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